20 décembre 2022 par Raphaël Savaria, Chargé.e de projets au Lab22
Photo capturée lors de la cérémonie d’ouverture au Palais des congrès (Montréal)
La Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) tire à sa fin. J’ai eu la chance de participer à cette rencontre en tant que personne observatrice accréditée, ce qui m’a permis de prendre part aux activités et panels au Palais des congrès de Montréal, ainsi que de suivre les activités en marge de la COP15 comme le Sommet Jeunesse. Je suis entré dans ces espaces avec des sentiments contradictoires mélangeant inspiration, méfiance et solidarité; sentiments partagés par plusieurs jeunes engagé·es.
Lors des deux premiers jours, les jeunes des quatres coins du globe ont été invité·es à participer au Sommet des jeunes de la COP15. C’était un moment dédié aux jeunes portant des ambitions similaires pour la protection du Vivant, durant lequel on a pu se rencontrer et échanger. Lors de ces journées, des panels et des activités ont permis aux personnes participantes d’en apprendre plus sur les enjeux socio-environnementaux et de développer une vision commune d’un futur possible. Pour l’occasion, tant les jeunes accrédité·es que non-accrédité·es ont pu rencontrer António Guterres, Secrétaire général des Nations unies, qui a pris le temps de répondre à leurs questions et a partagé ses espoirs pour la COP15.
La journée d’ouverture a été ponctuée par des engagements de la part du gouvernement canadien dans le financement pour la préservation de la biodiversité. Plus précisément, des montants seront investis pour soutenir la conservation menée par les groupes autochtones et pour renforcer la solidarité internationale. En plus de ces sommes, de nouveaux engagements financiers ont été annoncés à la fin de la deuxième semaine de négociations.
Les deux semaines précédant l’adoption de l’Accord de Kunming-Montréal étaient d’ailleurs chargées d’incertitudes. J’ai vécu ces moments avec beaucoup d’appréhension lors des séances de débriefing quotidiennes organisées par le Collectif COP15. Comme le disait si bien Souparna Lahiri du Global Forest Coalition dans l’une de ces séances : « Dans les salles de négociations, nous avons droit à une diplomatie sans émotions où chaque État tente de défendre ses intérêts personnels. » Il devient difficile d’arriver à un consensus et à des engagements ambitieux. Heureusement, nous sommes arrivés à cet accord, mais cette victoire n’était pas gagnée d’avance. Toutefois, une question persiste : Est-ce que ces engagements seront à la hauteur de l’urgence que représente la perte de biodiversité à travers le globe?
Un moment fort s’est déroulé lors de la prise de parole de Justin Trudeau. Alors que le premier ministre parlait de la beauté et de la diversité du Canada, une délégation autochtone de l’ouest du pays s’est levée, poings levés, pour dénoncer les injustices vécues encore aujourd’hui sur leurs territoires. Nous pouvions lire sur leur banderole : indigenous genocide= ecocide, To save biodiversity… stop invading our lands. J’ai vu dans cette action un rappel pour les délégué·es du monde entier présent·es dans la salle que les droits des premiers peuples ne sont toujours pas respectés au Canada. Nous avons un devoir de solidarité et de reconnaissance envers les luttes en cours.
Un second moment fort était l’événement Regards francophones sur la biodiversité qui s’est tenu à la fin de la première semaine. Le Lab22 a appuyé LOJIQ (Les Offices jeunesse internationaux du Québec) dans la mise en œuvre de cette activité qui représentait une occasion pour les jeunes de la Francophonie de se retrouver et de tisser des liens de solidarité. Les personnes impliquées ont pu en apprendre les un.es sur les autres et échanger sur la mobilisation de la société civile dans la protection de la biodiversité à travers des activités de discussions semi-dirigées. C’était l’un des seuls moments d’échanges entre jeunes et pour parler de leurs réalités et de ce qu’ils et elles retirent du Sommet Jeunesse et de la COP15. Pour ma part, c’était un moment riche en apprentissages sur les réalités vécues par d’autres jeunes de la communauté francophone internationale et j’ai grandement apprécié animer les groupes de discussion.
Photo capturée lors de l’activité Regards francophones sur la biodiversité à l’Esplanade tranquille (Montréal)
La COP15 a été un cours en accéléré sur les enjeux de biodiversité et de diplomatie internationale en lien avec ceux-ci. Cette expérience m’a fait réaliser qu’il pouvait y avoir une saine collaboration entre des pays comme le Canada et la Chine, tous deux ayant des intérêts très différents sur la scène internationale. Ceci est encourageant et montre que des canaux de communication ouverts peuvent être maintenus pour élever l’ambition générale face aux défis actuels.
Pour la première fois, j’ai eu la chance d’être dans les salles de négociations et de voir comment se déroulent les discussions autour de la rédaction du cadre mondial. Je n’avais pas eu cette chance lors de mon premier passage à une COP, laquelle s’est tenue à Glasgow l’année dernière, et qui traitait d’enjeux climatiques, puisqu’en raison des contraintes sanitaires, les salles de négociations étaient fermées. Heureusement, ces processus se sont réalisés en toute transparence pour les personnes accréditées et j’ai pu entendre les prises de paroles de différents pays du Nord et du Sud.
Je retiens de cette expérience qu’il y a beaucoup à faire pour se reconnecter collectivement à la nature. Bien que la majorité des annonces abordent le financement et le déplacement de virgules dans des engagements entre les États, il faut revenir au problème de fond: nous imaginons les êtres humains comme détachés et indépendants de la nature alors que nous en faisons partie. Il devient alors évident qu’une réorganisation de nos systèmes économiques et éducatifs s’impose. Je crois que le lien avec la nature et notre territoire devrait être favorisé même à l’école. Nous aurons l’opportunité de réfléchir à ces questions dans les prochains mois avec les élèves et les membres du personnel des écoles accompagnées. En outre, il nous faudra reconnaître les droits et les savoirs autochtones face à la préservation du territoire et travailler activement à tous les niveaux, allant du municipal à l’international, pour une protection de la biodiversité. Beaucoup de travail reste à faire et le Canada doit servir d’exemple pour respecter ses engagements et garantir sa juste part de financement international.
Au cours des derniers jours, j’ai pu assister à différents panels. Voici en une phrase ce que je retire de certaines de ces présentations :
– Panel de Vivre en Ville “L’étalement urbain, un fléau pour la biodiversité”
Celui-ci m’a fait réfléchir sur le rôle de nos instances municipales dans le problème de l’étalement urbain qui est un grand facteur de perte de biodiversité dans le sud du Québec.
– Panel “Biodiversity = Land Back: Reawakening Indigenous Sovereignty for Biodiverse Futures”
Mené par les personnes autochtones ayant interrompu le discours d’ouverture, ce panel m’a fait réfléchir sur le rapport à la nature rompu et à l’importance de valoriser le travail des Premiers Peuples dans la préservation de la biodiversité.
– Panel “Reimagining Funding – Translating Pleages into Concrete Action for Indigenous Peoples”
Cette discussion m’a exposé aux défis de gouvernance et de renforcement des capacités vécus au Mexique et en République démocratique du Congo.
– Divers panels sur les causes sous-jacentes à la perte de biodiversité organisés par la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec)
Ces rencontres animées par des économistes et des scientifiques m’ont permis de mieux comprendre comment les activités humaines comme l’agriculture, la déforestation, l’expansion urbaine et la pollution doivent être repensées afin de faire face aux enjeux de perte de biodiversité et des changements climatiques.
J’ai espoir que tout le bruit médiatique que ces deux semaines a créé permettra d’élargir le discours sur l’environnement au-delà des gaz à effet de serre et du changement climatique pour inclure la question importante de la biodiversité, qui est une question beaucoup plus grande que seulement la préservation des animaux.
Nous devrions nous attendre à des mobilisations et du travail au sein de la société civile québécoise mobilisée dans le cadre de la COP15. J’ai senti que les organisations œuvrant dans la préservation des ressources naturelles ont à cœur les intérêts des générations futures et feront en sorte qu’ils soient entendus après des gouvernements. Nous caressons l’espoir que les engagements soient à la hauteur de l’urgence.
Le Lab22 aimerait d’ailleurs s’allier à d’autres acteurs du milieu de la préservation de la biodiversité afin de soutenir les initiatives dans les différentes régions où nos écoles sont accompagnées. Qui sait, peut-être aurons-nous la chance de créer une place à une éducation plus transformatrice et orientée vers l’écocitoyenneté au Québec.
Photo capturée lors de l’événement final du Global Youth Biodiversity Network (GBYN) au Palais des congrès (Montréal)